1 — la déclaration d’amour en espagnol.
Alors qu’elle découvre les joies du lycée et de l’étude des langues, cette jeune fille de douze ans, lasse d’attendre qu’il se décide, lui dit, un jour, tout à trac : « yo Te quiero, Querido ». Jean François devint pourpre, non en raison de ces paroles, car il devinait un peu la teneur en se plongeant dans les yeux de son interlocutrice, mais parce qu’il ne connaissait pas un mot d’Espagnol.
Son cœur battait à se rompre dans sa poitrine, car il sentait que quelque chose d’important se passait entre eux. Il avait très honte de ces lacunes et, en même temps, se voyait animé d’une émotion mystérieuse.
Les jeunes actuels qui ont suivi des scolarités mixtes, filles et garçon, ne peuvent s’imaginer à quel point les deux sexes étaient séparés dans les années cinquante.
Cela pouvait aller jusqu’à l’interdiction de me promener dans la rue avec une camarade.
Il comptait, lui aussi, douze ans. C’était au début des vacances. Tout individu, normalement conformé et un peu sûr de lui, aurait demandé un premier rendez-vous. Bernique !
Il n’y pensa pas et, de toute façon, il ne l’aurait pas pu. Il faut savoir également qu’en été son père l’envoyait en relâche active ou le plaçait comme petit commis, selon l’approche que l’on accepte de prendre dans une ferme tenue par un couple ami. Il ne lui laissait qu’une semaine pour suivre le camp scout.
Quand ses difficultés diverses lui faisaient peur, las de soupirer, voulant rejeter une seule sensation de tristesse qui le quitte rarement, il évoque le souvenir de son premier amour. Il rajoute souvent « son premier grand amour », celui qui ne s’efface jamais et regrette de ne pas lui avoir dit que lui aussi l’aimait ! Que n’espérait-il pas de faire avec elle au cours de ses rêves fous ? Quel splendide avenir prévoyait-il, chaque soir, en attendant le sommeil ?
Il l’enlevait à des brigands, venait la prendre avec son bel avion, la sauvait d’une mer déchainée (oubliant qu’il ne savait pas nager)
(Je t’aime chéri)